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5 Idées (totalement fausses) Sur la Dépendance au Cybersexe



Quelques chiffres et repères historiques...


2000 

Une étude marque les esprits : celle d'Al Cooper, chercheur américain (1).

Sur 9 265 utilisateurs lambda d'Internet (tous sites confondus) ayant répondu à son questionnaire, il ressort que 1% des internautes sont addicts au cybersexe de façon compulsive {pour entrer dans cette catégorie, deux critères étaient retenus : avoir un score très supérieur à la limite déterminée sur l'échelle de compulsion sexuelle développée par Kalichman et al (1994) et passer plus de 11 heures par semaine à surfer sur des sites sexuels. Cette catégorie de sujets a d'ailleurs une moyenne hebdomadaire de 15 à 25 heures}.

En 2012, l'agence spécialisée de l'ONU sur les télécommunications annonce que 2, 3 milliards d'individus dans le monde sont connectés à Internet. 1% de ce nombre devient d'un coup plus conséquent...

Ce même 1% est à re-situer dans le contexte Internet des années 2000 (date de l'étude de Al Cooper), où XVideos, YouPorn et RedTube, entre autres poids lourds du sexe sur Internet, n'existaient pas encore.


2002

62% des avocats américains spécialistes (2) du droit matrimonial déclarent qu'Internet a joué un rôle significatif dans le divorce de leurs client(e)s l'an passé. Dans 56% de ces cas, la fréquentation compulsive de sites sexuels est avancée comme cause de divorce.


2003

Une étude conduite par Business & Legal Reports (3) conclut que 2 employés sur 3 ont des contenus pornographiques sur leurs ordinateurs professionnels. En 2004, une autre étude conduite par la Queen's University de Belfast (4) dans les milieux professionnels aux États-Unis, en Angleterre et en Australie montre que 28% des employés téléchargent des contenus clairement sexuels sur leur lieu de travail et que ces pratiques sont légèrement supérieures quand il s'agit d'entreprises de plus de 500 salariés.


2011

La Free Speech Coalition (5) estime que les revenus (estimés en 2007 à 20 milliards de dollars) provenant de l'industrie pornographique dans son ensemble (locations et ventes de vidéos, ventes sur Internet, les chaînes adultes TV, les plateformes de sexe par téléphone, les sexclubs spécialisés en contenu visuel, les magazines, etc...) ont diminué de 50% entre 2007 et 2011, en réponse à l'offre pornographique gratuite offerte sur Internet (avec entre autres, les sites de pornographie amateurs).


2012

YouPorn dévoile que 100 millions de pages sont visionnées sur son site... par jour ! 

XVideos, quant à lui,  annonce atteindre les 4,46 milliards de pages vues par mois, avec 350 millions de visiteurs uniques /mois. Ces chiffres ne prenant pas en compte le trafic Internet issu des smartphones !


2013

Entre mai 2012 et juillet 2013, près de 300 000 tentatives de connexion à des sites  pornographiques ont été répertoriées au sein du Parlement Britannique.

2014

78,9 milliards de vidéos ont été vue sur Pornhub.  45% des consommateurs de vidéos porno utilisent leur smartphone. Les utilisateurs d'ordinateurs représentent 44% des consommateurs et 11% pour les tablettes.


5 idées (totalement fausses) sur l'addiction au websexe


C'EST UNE ADDICTION MASCULINE ▶ FAUX

Les études (1) démontrent que 21% des personnes addicts au cybersexe sont des femmes. Le pourcentage est d'ailleurs plus élevé quand il s'agit de dépendance au sexe par Internet plutôt qu'au sexe "réel" (12%). Selon l'étude d'Al Cooper, les femmes addicts à la cybersexualtité passent près de 3 fois plus de temps sur les sites sexuels que les hommes : elles sont 55% à passer entre 30 et 60 heures par semaine sur des sites à but sexuel alors que les hommes ne sont que 20% (et 45% des femmes passent entre 11 et 30 heures/semaine pour 80% des hommes).

L'addiction à la cybersexualité n'est donc définitivement pas une histoire masculine.

Alors pourquoi une telle idée circule-t'elle ? Peut-être parce que la sexualité féminine ne peut pas être abrupte et muée par le seul désir sexuel, dans la représentation mentale de beaucoup de civilisations. Lors des séances de thérapie, nombre de femmes m'ont confié qu'elles ne pouvaient tout simplement pas assumer cette "liberté sexuelle" et donc qu'elles n'en parlaient à personne. Le mot "liberté" est d'ailleurs un enjeu majeur dans la thérapie puisque dans l'addiction, s'il y a bien une chose qui a totalement disparu, c'est la liberté. Le silence de ces femmes laisse à penser qu'elles ne sont pas concernées par ce type d'addiction, ce que les chiffres infirment.

Les femmes addicts au cybersexe ne fréquentent pas (statistiquement) les mêmes sites que les hommes. Elles sont 70% à fréquenter préférentiellement les chat rooms. Ceci sous toute réserve car en 2000, l'offre pornographique sur Internet était plus réduite qu'aujourd'hui.


ÇA NE CONCERNE QUE LES FRUSTRÉS DU SEXE OU LES "PERVERS ► FAUX

Si tel était le cas, cette forme particulière d'addiction ne ferait pas autant de "victimes".

L'ennui avec une addiction et avec celle-ci de façon très singulière, c'est qu'aucun avertissement ne clignote quand on s'y frotte. Les témoignages en thérapie se ressemblent beaucoup et aucune personne concernée n'a imaginé une seule seconde qu'elle perdrait le contrôle de ses visites sur les sites sexuels. Tout commence bien souvent par de la curiosité. Même si on peut discuter le terme de "curiosité" en psychanalyse, il n'en demeure pas moins, que beaucoup des personnes happées par la spirale de la cybersexualité ne peuvent verbaliser comme premier objectif (conscient) que l'envie d'élargir leur champs sexuel ; souvent le champs de la connaissance (d'où la curiosité) dans un premier temps puis l'envie d'assouvir quelques fantasmes : l'anonymat du web permettant une meilleure désinhibition. On note que de l'angoisse et de l'anxiété (souvent "flottantes" et non conscientes) sont quasiment toujours sous-jacentes et viennent supporter cette "curiosité". Que ces escapades cybersexuelles soient muées par une baisse de désir dans le couple, par une estime de soi abaissée, ou par un évènement de vie anxiogène ne changent pas le fait que beaucoup d'addicts au cybersexe n'étaient ni frustrés sexuellement ni obsédés par le sexe (même si ces deux catégories de personnes ne sont évidemment pas exclues).


C'EST LE "PLAYBOY" DU XXIème SIÈCLE  ► FAUX

... et certainement pas. On ne peut pas être dépendant à un magazine. C'est une idée fausse qui tend à banaliser l'usage des sites sexuels alors que rien entre les deux n'est comparable. L'usage est radicalement différent et les filles de Playboy n'offrent aucune interactivité. Il s'agit là d'images destinées à "activer" la libido sexuelle. Et contrairement à Internet et sa quantité monumentale et inextinguible de sites sexuels, les magazines sexuels ont tous une limite quantitative. 

Un patient me disait concernant les magazines érotiques : ils sont aux sites sexuels ce que la poupée gonflable est aux femmes. On peut effectivement bien saisir l'immense fossé séparant les deux.


C'EST BON POUR MA LIBIDO  ► VRAI... ET FAUX

Les raisons d'une libido en berne sont multiples et variées, mais cette idée que que la sexualité "online" rebooste la libido circule beaucoup dans les cabinets de sexologie. Et ce n'est pas tout à fait faux. C'est même vrai pour certaines personnes. Au même titre que la littérature érotique, les images ont un impact très fort sur la libido, à fortiori, la vidéo. Ceci est d'autant plus vrai chez les hommes chez qui la vision joue un rôle très important dans l'excitation sexuelle.

Ceci étant posé, rien dans la web-sexualité n'est intrinsèquement "dangereux" pour la vie courante (80% de la population étudiée surfe sur des sites sexuels sans que cela ne nuise à sa vie privée et professionnelle ou à ses relations sentimentales). L'écueil majeur de la sexualité online c'est son énorme pouvoir addictif (mais aussi sa capacité à enfermer dans le virtuel en délaissant plus ou moins totalement le réel).

Pourquoi ? Pour 4 raisons majeures (développés par Al Cooper pour les trois premières), à savoir : son anonymat, son accessibilité, sa gratuité et son offre illimitée (que je rajoute eut égard le besoin de nouveauté utilisé dans la production de dopamine - voir ci-dessous). L'anonymat lève l'inhibition. L'accessibilitépermet une mise à disposition immédiate. Sa gratuité permet un accès sans entrave. Et son offre totalement illimitée permet un renouvellement infini. Une fois ces 4 facteurs mixés ensembles, on obtient une désinhibition souvent totale et une plongée dans un monde sexuel fantasmé sans entrave (psychique, spatiale, économique et temporelle). Raconté ainsi, cela semblerait presque extraordinaire si ce n'était que bien des fantasmes n'étaient fait que pour être fantasmés et non... mis en acte (puisqu'ils sont à différencier du désir).

Cette pseudo liberté sexuelle gagnée bien facilement s'auto-alimente et est bien souvent de plus en plus affamée. Les premières excitations s'affadissent et le besoin d'aller un plus loin se fait jour. Le cerveau, friand des hormones qui l'inondent, devient dépendant de sa dose qui ne se trouve qu'en retournant sur les sites sexuels : l'internaute est pris au piège et ce, d'autant plus fermement, que l'angoisse et l'anxiété augmentent très fortement en cas d'abstinence. Certains stoppent tout et "retournent" vers une sexualité réelle, impliquant une ou plusieurs personnes physiquement présentes.

D'autres sont dans l'incapacité de se défaire de cette puissante "machine à fantasmes" qui avale le réel et lui substitue une sexualité "virtuelle", qui se satisfait d'être sans partenaire et brouille complètement les cartes de la sexualité telle qu'elle se vit en dehors d'un ordinateur.


L'ADDICTION C'EST POUR LES FAIBLES, MOI JE CONTRÔLE !  ►  FAUX

Car il n'est pas ici question de faiblesse ou de force. Prenons par exemple les fumeurs occasionnels. Ils peuvent fumer plusieurs cigarettes en une seule soirée, puis plus aucune durant des mois. Durant ces mois où ils ne fument pas, ils ne contrôlent pas leur abstinence. Ils n'y pensent pas et n'en ont pas envie. Seulement, et ceci n'est pas un scoop, nous ne sommes pas égaux. La force et la faiblesse n'ont pas grand-chose à faire dans cette histoire. Notre terrain psychique, neurologique et chimique, oui. Ce terrain plus propice à la dépendance est propre à chacun selon son histoire, sa génétique et sa chimie neuronale mais ce qui est sûr c'est que personne n'est prévenu à l'avance...



LES SIGNES QUI DEVRAIENT ALERTER...


LA COMPULSION : C'est la perte de capacité à choisir "librement" si on désire continuer ou arrêter de fréquenter des sites sexuels sur Internet. Cette perte de contrôle du comportement est marquée par des signes comme  la mise en place de rituels avant la connexion, des idées obsédantes qui précèdent la connexion (peu à peu de plusieurs heures), un sentiment de culpabilité, d'impuissance.


LA PRISE DE RISQUES : Dans l'addiction aux sites sexuels (mais également dans les addictions de manière générale) il est fréquent de constater que les personnes addicts passent outre les conséquences désastreuses que peuvent déclencher leur comportement comme la perte de leur travail, une rupture sentimentale, un éloignement familial, des retentissements notoires sur leur santé (le sommeil est une des premières choses que la personne addict au cybersexe sacrifie).


L'OBSESSION (6) : Dans le cas précis de l'addiction au websexe, il s'agit d'être entièrement focalisé sur le sexe en excluant les autres compartiments de la vie. Les pensées relatives à la sexualité occupent quasiment l'entièreté des pensées en terme de temps et d'espace. D'ailleurs, il est un fait qui démontre que ces pensées occupent de plus en plus le terrain psychique : le temps passé (et pensé !) sur ces sites augmente de façon significative.


L'INCAPACITÉ À S'ARRÊTER : Beaucoup de personnes addicts sont en mesure de se rendre compte que leurs visites sur ces sites ont augmenté. Une fois ce constat réalisé, elles rationalisent et minimisent leur addiction en se fixant des bornes temporelles ou spatiales. Il s'agit pour elles de "reprendre le contrôle" de leurs actes et de mettre à distance leur totale absence de liberté. Ce contrôle peut fonctionner quelques jours, semaines ou mois mais pour une raison ou une autre, il échappe et la personne addict se retrouve au point de départ de son addiction : c'est souvent après plusieurs tentatives de cet ordre là, qu'il ou elle réalise qu'aucun contrôle n'est possible et que par conséquent il est temps d'aller chercher de l'aide.


L'ACCROISSEMENT DE L'INTENSITÉ : Passés les premiers temps à fréquenter des sites sexuels, il est courant que les personnes addicts augmentent l'intensité de leurs stimulations excitatoires. Elles partent donc explorer des pratiques sexuelles qu'elles n'auraient jamais imaginé stimulantes, et franchissent des "interdits" (intériorisés ou externes) que leur culpabilité est totalement incapable de surmonter ce qui les plonge dans un mal-être générateur d'angoisses, angoisses qui trouveront comme échappatoire... la fréquentation des sites sexuels. La boucle est bouclée et la personne addict se retrouve prisonnière de son addiction.

La chimie du cerveau joue un rôle très actif dans cette recherche de stimulations plus fortes. Est en cause une hormone appelée dopamine qui fonctionne très fortement dans ce que l'on appelle "le système de récompense". Elle vient activer une zone (de la taille d'une amande située dans le cerveau) appelée Noyau Accumbens. Cette zone participe à ce que l'on appelle un renforcement positif ou négatif d'une action. Pour ce qui est de la cybersexualité, c'est bien souvent un renforcement positif qui se met en place. Seulement, la dopamine a un défaut majeur : à être activée compulsivement et de façon identique, elle perd en capacité de production.

La personne se rend compte que les mêmes stimulations qui lui faisaient beaucoup d'effet il y a quelques temps, ne sont plus autant excitantes.

Le noyau accumbens lui reste sur sa faim de dopamine. Il en reçoit moins, il commence donc à être "affamé". Pour retrouver un "taux" de dopamine suffisant à maintenir le système de récompense équilibré, une seule solution : trouver de nouvelles stimulations capables de re-booster une production de dopamine nécessaire à l'approvisionnement du noyau accumbens. Le souci, c'est que le "thermostat du plaisir" interne qui indiquait que l'équilibre était à 20, par exemple, indique alors que cet équilibre est désormais à 40, puis à 60 et ainsi de suite. S'ajoutent d'autres hormones comme l'oxytocyne et la vasopressine qui entrent en parfaite synergie avec la dopamine et créent un attachement à "l'objet" sexuel.

C'est ainsi que certaines personnes  en arrivent à regarder ou participer à des actes sexuels dépassant de très loin ce qu'elles étaient en réalité capables de (psychiquement) supporter. Elles passent d'une sexualité sur Internet plutôt soft à une sexualité plus violente, humiliante et/ou choquante. Certaines basculent dans le visionnage de scène pédo-pornographiques (les mots les plus recherchés dans la rubrique "sexe" sont : "youth" et "teen"). Ce dépassement de limites est extrêmement anxiogène car très culpabilisant ; les personnes souffrent alors d'une immense détresse psychologique souvent muette et indicible, conséquence de la honte qu'elles éprouvent.


 

Sources bibliographiques :

1 - Cooper, Al. (2000) Cybersex and Sexual Compulsivity: The dark side of the force (A special issue of the journal Sexual Addiction & Compulsivity) 2 - Source American Academy of Matrimonial Lawyers 3 - Leahy, Michael. (2009) Porn@Work : Exposing the Office's #1 Addiction (Chicago : Northfield Publishing). 4 - Sullivan, Bob. (2004) Porn at work problem persists 5 - Barrett, Paul M. (2012) The new republic of porn 6 - Carnes, P., Delmonico, D., & Griffin E. (2001). In the Shadows of the Net (Center City : Hazelden) 

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