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Me, Myself and I

Vous ne faites sûrement pas attention au nombre de fois où vous dites "Je".

Vous devriez... Des chercheurs annoncent que l'usage de ce pronom personnel en dit beaucoup plus long sur vous que vous ne l'imaginez.

Étonnamment, une nouvelle recherche de l'Université du Texas suggère que les personnes qui disent souvent "Je" sont moins sûres d'elles que celles qui limitent l'emploi de ce pronom. Ceux qui utilisent fréquemment le "Je" pensent qu'ils sont inférieurs aux personnes avec lesquelles ils parlent.



Selon James W. Pennebaker, qui dirige le département de psychologie à l'Université du Texas à Austin, et auteur de cette étude,  les pronoms, d'une manière générale, en disent long sur ce qui nous mobilise. Ils mettent en lumière le regard qu'ont sur elles-mêmes les personnes qui parlent. Bien souvent les personnes qui utilisent le "Je" sont tournées vers elles-mêmes  Mais elles peuvent également être embarrassées ou se sentir insécurisées, souffrir émotionnellement ou physiquement ou simplement être désireuses de plaire.


James W. Pennebaker

Le Dr Pennebaker et ses collègues ont mené cinq études.

Cette recherche a été publiée le mois dernier dans le "Journal of Language and Social Psychology". Dans chacune des études, les participants présentaient une très forte propension à l'utilisation du pronom "Je".

Leurs conclusions vont à l'encontre de la croyance commune qui veut que les personnes utilisant beaucoup le "Je" sont imbues d'elles-mêmes, voire même narcissiques.

"Je" est bien plus puissant qu'on ne le réalise. Il déclenche tellement de sentiments dans une conversation, que les thérapeutes de couples ont longtemps tenu à ce que les gens utilisent le "Je" au lieu du "Tu" lors d'une dispute avec leur partenaire ou lorsqu'ils abordent un sujet plus affectif ("Je ne me sens pas écouté" plutôt que "Tu ne m'écoutes jamais"). L'idée étant que le "Je" est beaucoup moins accusateur.

"On croit souvent à tort que les gens sûrs d'eux qui ont du pouvoir, un statut social important ont tendance à utiliser le "Je" plus que ceux qui ont un statut inférieur" déclare Dr. Pennebaker. "Ceci est totalement faux. La personne qui a un statut social important porte son regard vers l'extérieur tandis que celle qui a un statut moindre, se regarde elle-même".

Alors, à quelle fréquence devrions-nous utiliser le "Je" ? Plus - pour sembler modeste et non pas critique quand on parle à son conjoint ? Moins - pour sembler plus assuré et autoritaire ?

La réponse est "essentiellement plus" selon le Dr Pennebaker (tout en précisant qu'il est important de contre-balancer nos "Je" avec ceux de notre conjoint(e) pour qu'il n'y ait pas de déséquilibre).


✓ Dans la 1ère étude, des étudiants d'une Ecole de Commerce étaient répartis en 41 groupes de 4 personnes (des deux sexes) ; on leur demandait de travailler en équipe pour améliorer le service-client d'une société fictive.  Une personne de chaque groupe était désignée (aléatoirement) comme devant être le chef du groupe. Résultats : les chefs de groupe ont utilisé le "Je" dans 4,5% de leurs mots. Les autres, dans 5,6%. (Les chefs de groupe ont également utilisé le "Nous" plus que les autres).


✓ Dans la seconde étude, 112 étudiants en psychologie étaient répartis en groupe de deux personnes du même sexe.  Ces paires devaient résoudre (via internet) des problèmes assez complexes. Personne n'était désigné comme leader mais à la fin de l'expérience, les chercheurs ont demandé à chaque étudiant qui, d'après lui, était le plus performant de la paire.

Les résultats montrent que l'étudiant(e) qui était perçu(e) comme le plus performant(e) était aussi celui/celle qui avait le moins utilisé le "Je".


✓ Dans la troisième étude, 50 groupes de deux personnes discutaient en face à face, posant des questions pour mieux se connaitre comme s'ils étaient à une soirée. Quand on leur a demandé lesquelles des personnes rencontrées leur semblaient avoir le plus haut statut social ou le plus de pouvoir, ils ont eu tendance à être d'accord et les personnes désignées étaient celles qui utilisaient le moins le "Je".


✓ Pour la quatrième étude, 9 personnes ont épluché leurs emails (envoyés et reçus) avec une quinzaine de correspondants. Ils devaient évaluer leur position (leur statut) en fonction de leur correspondant. À chaque fois, ceux qui s'attribuaient le plus haut statut étaient ceux qui avaient le moins utilisé le "Je".


✓ La cinquième étude est la plus inattendue. Les chercheurs ont traduit et analysé les emails que le gouvernement des Etats-Unis avait reçu des services militaires iraqiens (rendus publics pour un laps de temps donné dans le cadre d'un projet sur les perspectives iraqiennes). Ils ont de façon aléatoire sélectionné 40 emails.

Dans chaque cas, la personne qui avait le plus haut grade militaire était celle qui utilisait le moins le "Je".


L'explication, d'après le Dr. Pennebaker, réside dans le fait que les gens réfrènent inconsciemment l'usage du "Je" : "Si j'ai un statut social élevé, je pense en fonction de ce que vous devez faire. Si je suis quelqu'un d'un statut social plutôt bas, je suis plus modeste et je pense en fonction de ce que je devrais faire".

Dr. Pennebaker a découvert de "gros" utilisateurs du "Je" à travers la population : Les femmes (typiquement plus introspectives), les personnes à l'aise quand il s'agit de sujets personnels, les jeunes, les personnes altruistes ainsi que les personnes anxieuses et déprimées. (Étonnamment, les narcissiques n'utilisent pas le "Je" plus que les autres, ce que confirme une méta-analyse faite à partir d'un très grand nombres d'études).

Et qui d'autres alors, évite d'utiliser le "Je" en dehors des personnes possédant un haut statut ? Ceux qui cherchent à masquer la vérité : éviter la première personne est une marque de distanciation !


Des chercheurs ont analysé le langage utilisé par le suspect dans l'attentat de Boston, Dzhokhar Tsarnaev, sur son compte Twitter. Au fur et à mesure que la date des attentats à la bombe approchait, les tweets de D. Tsarnaev contenaient de moins en moins de "Je" (Je, moi, mon, ma, mes, Je vais, Je suis, etc…) - (étude de la Midwestern State University à Wichita Falls au Texas, conduite par Brittany Norman et Dr. Pennebaker).


Ils ont analysé l'intégralité des 856 tweets de D. Tsarnaev d'octobre 2011 jusqu'au 15 avril 2013 (date de l'attentat à la bombe). Ils ont trouvé que l'usage du "Je" par D. Tsarnaev a significativement chuté à l'approche de la date de l'attentat ; la plus grosse baisse se manifestant en octobre 2012, soit 6 mois avant l'attentat  (4,81% d'utilisation du "Je" au lieu de 9,57% le mois précédent).

"Les données suggèrent qu'à partir de cette période D. Tsarnaev avait décidé de faire quelque chose qu'il devait cacher" avance B. Norman. 


L'ensemble de son travail amène le Dr Pennebaker à conclure : "Vous devriez utiliser le "Je" de la même façon que vous utilisez le compteur de vitesse dans une voiture - comme un feedback sur vous-même". "Êtes-vous authentique ? Êtes-vous honnête ? Apprenez à vous ajuster pour mieux vous connaître".


 



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