top of page

Le Regard Comme Moteur de La Confiance

S'il était nécessaire de confirmer qu'un contact visuel entre deux personnes peut être porteur d'une multitude d'impressions, l'étude que vient de mener la Medicine Northwestern l'a fait. Ils ont pu observer (sans jeu de mots) que les médecins qui regardaient souvent leur patients dans les yeux étaient considérés comme des médecins plus aimables et plus empathiques que les autres. 



Globalement, la notion d'empathie implique que des mécanismes chez un individu sont à l'oeuvre pour lui permettre la compréhension des ressentis d'autrui. C'est une notion que l'on doit différencier de la sympathie, de l'altruisme ou de la compassion puisque dans la notion d'empathie il s'agit de compréhension de ce que ressent l'autre et non pas de ressentir soi-même l'émotion que ressent autrui, voire même ne pas ressentir d'émotion (différence majeure avec la sympathie par exemple). 

Estimés comme plus empathiques également, les médecins dont la visite dure plus longtemps et ceux qui se permettent des signes cordiaux comme une poignée de main ou une tape amicale dans le dos. Seulement, le mieux étant l'ennemi du bien, si ces signes tactiles excèdent le nombre de trois (lors d'une même visite), cette estimation de l' empathie redescend : trop de signes cordiaux sont perçus comme feints et donc non naturels.


Soulignons néanmoins que la poignée de main est une marque de communication tactile à double tranchant : trop molle ou trop ferme, elle envoie des signaux qui peuvent desservir. L'intérêt de ce type d'étude dans le domaine de la santé est de placer à sa juste valeur ce que peut apporter au sein de la relation médecin/patient, la communication non-verbale.

Cette étude conclut qu'en dehors des signes "tactiles" et de la durée plus longue de la consultation qui jouent un rôle dans la perception que les patients ont de leur médecin et de sa capacité à être empathique, le facteur le plus important est le contact visuel.

"Si les patients ressentent que leur médecin n'est pas empathique, ils auront plus tendance à ne pas retourner vers les soins médicaux, ils n'adhèreront pas aux recommandations médicales qui leur sont faites, ils n'iront pas chercher une aide médicale si besoin et au mieux ils changeront de médecin, ce qui dans le système de santé américain a un coût certain" prévient Edin Montague*, premier auteur de cette étude.

Le médecin d'accord, mais le psychothérapeute ?


Reste à savoir comment,  alors,  sont perçus les psychanalystes placés hors de la vue de leur patient (ce qui ouvre au patient la capacité d'associer librement et au thérapeute celle de l'attention flottante) ? Une seule poignée de main ferait-elle la différence et permettrait-elle d'infuser de l'empathie ? Mais quid de ceux qui mettent à distance tout contact et refusent la poignée de main ? On peut alors se demander si ce refus de manifester une quelconque empathie, voire cette farouche volonté de n'en rien manifester ne nuit pas à la poursuite de la cure psychanalytique, tout comme elle nuit à la relation médecin/patient ?


Du côté des patients, le facteur thérapeutique essentiel, lié à la progression positive de leur psychothérapie (d'inspiration psychanalytique), est : la relation thérapeutique établie avec le thérapeute et par-dessus tout la notion de confiance**. Si la confiance se renforce par un contact visuel alors en effet, nous ne serons pas surpris d'apprendre que l'idée voulant que l'accompagnement visuel aiderait plus au soulagement de la souffrance fasse son chemin. Nombre de psychanalystes utilisent le face-à-face, certains assument cette position, d'autres ne le disent pas de peur de passer pour des dissidents à l'orthodoxie freudienne. D'autres encore s'arrangent afin que la relation visuelle, et essentiellement son rôle d'appui mais aussi de miroir, existe d'une façon ou d'une autre : "[Il] faisait en sorte que je le voie me regarder, me permettant ainsi de mieux me voir moi-même." déclarait Serge Tisseron***, pédopsychiatre et psychanalyste, à propos de sa seconde tranche d'analyse avec Didier Anzieu.


La compréhension de ce qu'un contact visuel soutenu permet de soulager est une piste que certains ont déjà commencé à explorer... 


 

* Enid Montague, Ping-yu Chen, Jie Xu, Betty Chewning & Bruce Barrett. Nonverbal Interpersonal Interactions in Clinical Encounters and Patients Perceptions of Empathy. Journal of Participatory Medecine, August 2013.

** "Aux confins de la psychanalyse ; Psychothérapies analytiques brèves" Edmond Gilliéron - Payot

*** "Fragments d'une psychanalyse empathique" Serge Tisseron - Albin Michel

bottom of page